Et si le problème de la France était la gouvernance de ses entreprises ?

on 8 novembre 2012 | Un commentaire

La crise est là depuis 2008 – voire depuis toujours – et notre Gouvernement se creuse le cerveau, commande des rapports, fait des consultations et  lance des débats pour trouver une solution pour en sortir. Comme je l’ai expliqué sur ces pages, je reste persuadé que les 20 milliards de crédits d’impôts distribués aux entreprises ne serviront à rien. La précédente décharge fiscale date de 2011 et a permis, via la suppression de la taxe professionnelle, de transférer 7,5 milliards d’euros par an des entreprises vers les ménages. La croissance et la courbe du chômage n’ayant même pas esquissé un début de frémissement depuis cette date, je vous prie de bien vouloir me permettre d’émettre de forts doutes sur l’utilité de la nouvelle mesure.

Une question d’objectifs et d’intérêts

Depuis maintenant plusieurs décennies, on écoute les chefs d’entreprises et leurs conseils pour la bonne marche du pays si benoîtement que c’en est suspect. Certes, ce sont des gens très intelligents au sens stratégique souvent hors normes, mais ne nous voilons pas la face : leur intérêt n’est pas celui du pays. En général, lorsqu’on est salarié, on fait ce que notre chef nous dit de faire. Qui est le chef d’un patron ? C’est l’actionnaire. Quel est l’intérêt de l’actionnaire ? Que l’entreprise dont il possède le capital fasse un maximum de bénéfices pour en récupérer les dividendes. Maintenant, quel est l’intérêt de la France ? Que les actionnaires des entreprises françaises aient un maximum de revenus ? Ou que le chômage baisse, que le revenu moyen de la population augmente et que les inégalités régressent ?

Denis Kessler

Le grand patron se frotte les mains. Photo L’Express.

On le voit, les conseils avisés des grands patrons français – augmenter la compétitivité des entreprises, diminuer le « coût » du travail – vont tous, ô surprise, dans le sens d’une augmentation des bénéfices nets, alors que d’un point de vue strictement pratique, notre pays n’en a pas besoin. Demandons-nous plutôt pourquoi les entreprises délocalisent ? Pourquoi des usines ferment ? Pourquoi Lejaby, qui était profitable, a été transféré au Maroc avant de sombrer ? Pourquoi Gandrange et Florange, qui faisaient des bénéfices, ont été sacrifiés ?

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La France a un problème de gouvernance d’entreprises

La réponse à ces question est que ceux qui prennent les décisions, les actionnaires, ont trouvé à l’étranger un moyen d’utiliser leur capital de manière plus efficace : au lieu de gagner 3 % tous les ans, ils ont obtenu 15 %. Une fois que leur stratégie court-termiste n’a plus fonctionné – dans le cas de Lejaby, suite à l’absence de toute R&D et à la suppression de tout investissement – ils ont mis la main sur d’autres sociétés et ont fait la même chose. Prendre possession de quelque chose, le vider de sa substance, et l’abandonner, cela s’appelle de parasitisme.

La France a un gros souci de gouvernance d’entreprise. La force actuelle de l’Allemagne, où malgré l’absence de salaire minimum, le coût du travail est équivalent au nôtre, c’est qu’elle a un tissu très important de moyennes entreprises, dont les actionnaires sont les patrons, des gens qui y travaillent, qui y mettent physiquement les pieds tous les matins, qui ont des attaches personnelles dans leur région d’implantation et qui ne peuvent pas se dire, tous les quatre matins « allons-y, délocalisons en Chine ». C’est de ce patronat-là que la France a besoin, c’est ce patronat-là qu’il faut aider, ces entreprises-là qu’il faut développer.

Les 20 milliards octroyés par le Gouvernement iront aux entreprises proportionnellement à leur masse salariale, c’est-à-dire aux plus grandes entreprises, pas aux petites, ni aux moyennes entreprises. Cette mesure demandera au pays beaucoup d’efforts, dans un contexte où il faut aussi réduire notre dette. Cette énième mesure de défiscalisation n’aura pas plus de succès que les précédentes. Jean-Marc Ayrault annonce 300 000 emplois grâce à son pacte de 20 milliards par an. 300 000 SMICS coûtent 8 milliards par an, cotisations sociales comprises. Je vous laisse méditer là-dessus.

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1 réponse to “Et si le problème de la France était la gouvernance de ses entreprises ?”

  1. 23 mai 2013

    Olivier Répondre

    Je suis tout à fait d’accord avec cette analyse! de plus, la reproduction sociale des grands patrons parasite le système!

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