Peut-on se passer d’hommes politiques en démocratie ?

Vous pensez qu’ils sont « tous pourris » ? Que ce sont des bons à rien, des profiteurs, des voleurs ? Alors avez-vous déjà imaginé un monde sans hommes politiques ? C’est bien-sûr le cas des anarchies, ou bien encore des dictatures comme celle de Kadhafi : pas de parti, pas d’élections, donc pas vraiment d’hommes politiques. Mais peut-on imaginer une telle chose dans une vraie démocratie ?

Angela et Nicolas

Il faut commencer par définir la démocratie. L’étymologie remonte aux Grecs : demos c’est le peuple et kratos le pouvoir. C’est le pouvoir du peuple, comme disait Lincoln « par le peuple et pour le peuple ». Le peuple peut-il gouverner sans classe politique, sans représentants ?

À vrai dire il semble difficile de s’en passer totalement. Mais il est tout à fait possible de limiter la représentativité au minimum. En effet, pourquoi a-t-on besoin de députés ? Pour voter des lois, me direz-vous. Mais pourquoi les citoyens ne pourraient-ils pas directement voter des lois ? Problème de compétence ? Dans ce cas, nous n’élirions que des juristes. Or, ce n’est pas le cas : la compétence juridique n’est pas le premier critère de choix d’un représentant du peuple. Il y en a d’autres : éloquence, idées, influence, etc. L’autre argument qui revient souvent lorsqu’il s’agit de justifier la démocratie représentative est qu’on dit qu’il est déjà difficile de se mettre d’accord à 577, alors imaginez à 65 millions !

Poussons tout de même la réflexion jusqu’à imaginer un système de démocratie directe à l’échelle de la France. Dans ce cas de figure, ce sont les citoyens qui disposent directement du pouvoir législatif, c’est-à-dire qui élaborent, discutent et votent les lois à la place du Parlement.

Dans ce système de démocratie directe, tout citoyen peut proposer une loi : si celle-ci est parrainée par mettons 10 % du corps électoral, elle passe au vote. On peut également imaginer qu’elle doit être revue par des juristes avant de passer au vote. Le vote en lui-même est également national : les citoyens peuvent proposer des amendements dans un premier temps, eux-même devant être soutenus par un nombre à définir de citoyens pour être présentés au vote, et une fois l’ensemble des amendements adoptés, on passe au vote solennel par un référendum. Bien entendu, cela impliquerait que le Peuple soit appelé à voter régulièrement, très souvent. Cela imposerait de mettre en œuvre des outils modernes pour permettre à chacun de prendre connaissance des textes et de les voter rapidement. Je pense évidemment à une plate-forme civique de création législative on line telle qu’a pu connaître, à une moindre échelle, l’Islande lors de l’élaboration de sa nouvelle constitution.

Passons maintenant au pouvoir exécutif. Comment le rendre lui-aussi plus proche, plus directement lié au peuple ? Un gouvernement est typiquement un type de corps public très éloigné de la base citoyenne. L’idée serait donc de le remplacer par des chargés de mission désignés par le peuple pour des missions spécifiques et limitées dans le temps, via le même processus de création législative. Ces chargés de mission exécutifs seraient révoqués une fois leur mission terminée, ou remplacés en cours de mission si le peuple en décide ainsi.

On peut objecter qu’en fonctionnant ainsi, nous nous privons de la possibilité de mettre au pouvoir des gens capables de mener une politique cohérente et structurée sur le long terme. Mais force est de constater que notre démocratie actuelle, faite d’alternances très régulières et de changements de caps radicaux périodiques n’offre pas non plus la continuité désirée.

La démocratie directe demande beaucoup de sacrifices de la part des citoyens, car elle demande du temps, de l’intérêt et de la concentration. Mais l’heure est peut-être venue pour nos démocraties en plein doute existentiel de passer à la vitesse supérieure, car à défaut c’est une régression de nos libertés qui nous attend.

Photo Sandro di Carlo Darsa

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4 Responses to “Peut-on se passer d’hommes politiques en démocratie ?”

  1. 17 août 2011

    GdeC Répondre

    en tant que défenseur de la cause féminine, bien que de sexe masculin, je tiens à protester avec la plus grande énergie ! Pourquoi seulement des hommes ? On doit pouvoir se passer également de femmes politiques, si elles ne font pas mieux que les autres susnommés…

    • 17 août 2011

      Custin Répondre

      Bien évidemment, l’expression « homme politique » incluait les personnes des deux sexes.

  2. 17 août 2011

    GdeC Répondre

    @custin d’A… : l’évidence ne saute pas toujours aux yeux ! (humour, suite n°2 en sol mineur).

    • 17 août 2011

      Custin Répondre

      Tu as raison, c’est bien pour ça que ce qui va sans dire va encore mieux en le disant !

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