Couinement

on 17 janvier 2011 | 0 Comment

Il a ses écouteurs sur ses oreilles. Il n’est pas un de ceux qui écoutent leur musique urbaine au maximum de la capacité sonore de leur lecteur MP3. Il écoute sa musique, mais autour, on ne l’entend pas. Pourtant, il a des écouteurs standards, pas ces casques massifs qui filtrent les sons et dont raffolent les commuters branchés, mais ceux fournis gratuitement avec le lecteur, et qui fournissent un son déplorable. Ça ne le dérange apparemment pas d’écouter sa musique avec une mauvaise qualité sonore, car on sent qu’il la vit sa, la respire, la boit.

On le voit froncer les sourcils, balancer sa tête, qu’il garde haute, à droite et à gauche. Tout en contrastes avec son jean et son t-shirt à capuche qui tranchent avec sa coupe de cheveux très « beaux quartiers ». Il toise les passagers qui sont dans la même rame que lui, il essaye d’éveiller en eux la curiosité. Que veut-il montrer par cette attitude étrange ?

Voyant que le mouvement de balancier de sa tête n’est pas suffisant pour attirer l’attention, il se met à fredonner. Ou plutôt, il pousse quelques petits cris modulés. On ne comprend pas vraiment ce qu’il dit, on ne comprend même pas quelle langue il parle, mais tout dans sa dégaine indique qu’il est français. Les petits cris n’ont pas marché, alors il met la vitesse supérieure et commence à chanter de manière hachée et fort aiguë, et toujours de manière inintelligible. Personne n’a réussi à comprendre où il voulait en venir, à regarder tout le monde de haut, à gesticuler de la sorte et à couiner. Ça ne le dérange pas car il semble évident que pour sa part, l’essentiel était d’attirer tous les regards sur lui. C’est gagné, même dans le ridicule.

Son forfait mystérieux réalisé, il s’arrête, éteint son lecteur, et s’adresse à une personne debout à côté de lui bouchant le passage vers les places assises : « dites, la place-là, vous la voulez pas ? ». La voix n’est plus aiguë, mais le ton est très sec. Sans attendre la réponse de l’autre, il le bouscule un peu et s’assoit, pianotant sur son vieux Blackberry pour envoyer un SMS…

 

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