Et si nous avions eu un autre système électoral ?

AVANT PROPOS

Vous trouverez ci-dessous quelques simulations prenant comme base les résultats réelles des élections législatives de cette année, et appliquant d’autres modes de scrutin. Il est bien évident que le mode de scrutin influençant les électeurs, le résultat eût été fortement différent.

Tout système électoral a ses avantages et ses inconvénients. Le scrutin majoritaire à deux tours, utilisé en France pour les élections législatives, est un mode d’élection parmi d’autres. Il a l’avantage d’avoir toujours formé des majorités claires — même si cet avantage n’est pas garanti — mais réduit la visibilité des petits partis à peau de chagrin et amplifie fortement les rapports de force. De plus, il impose à un petit parti des accords électoraux avec les gros, ce qui a tendance à ne pas toujours plaire aux électeurs.

En Allemagne, et dans de nombreux pays européens, il y a un autre type de mode de scrutin : la proportionnelle. C’est également le cas en Grèce, avec une prime majoritaire, c’est-à-dire des députés supplémentaires, pour le parti arrivé en tête. Au Royaume-Uni, et aux États-Unis, à l’opposé, c’est le scrutin majoritaire à un tour qui est utilisé : il n’y a pas de second tour, et quoiqu’il arrive, c’est le candidat arrivé en tête au premier tour qui remporte le siège. Entre les deux, il y a divers modes de scrutin possibles, avec pour chacun, des variantes.

Comme je l’avais fait pour les élections législatives de 2007, j’ai simulé plusieurs modes de scrutin en prenant en compte les résultats des élections législatives de 2012. Évidemment, le mode de scrutin influençant le vote des gens, les résultats qui suivent sont à prendre avec des pincettes. Mais ils sont tout de même riches d’enseignements. J’ai considéré les partis ayant formé des alliances électorales à part, l’appelation PS et alliés rassemblant le PS, les divers gauche, le MRC et le PRG. L’appelation UMP et alliés rassemble l’UMP, le Nouveau Centre, le Parti radical et les divers droite.

Les résultats du 1er tour du 10 juin 2012

Les résultats pris en compte dans les simulations ci-dessous sont ceux du premier tour, présentant la configuration la plus proche d’un rapport de forces réel, même si, dans certaines circonscriptions, du fait d’accords électoraux, certains partis n’ont pas présenté de candidats.

On constate que la gauche dans son ensemble a obtenu 46,77 % des voix, la droite 34,67 % des voix, l’extrême-droite 13,60 % et l’extrême gauche 0,98 %. Les autres partis et candidats se sont partagés les 2,22 % restants.

Le mode de scrutin actuel : le scrutin majoritaire à deux tours.

Le principe est le suivant : le territoire national est divisé en 577 circonscriptions qui élisent chacune un député. Le député est élu au premier tour s’il rassemble plus de 50 % des suffrages exprimés et plus de 25% des inscrits. Sinon on procède à un second tour qui opposera les deux candidats arrivés en tête ainsi que tous les candidats ayant rassemblé au moins 12,5 % des inscrits. Voici comment ont été répartis les sièges à l’issue des deux tours :

Comme on peut le constater, le FN et le Front de Gauche ont un poids à l’assemblée bien inférieur à leurs résultats du 1er tour. De plus, le PS et ses alliés engrangent un nombre de députés bien supérieur à leur poids réel. Mais une majorité s’est dégagée, permettant au gouvernement de… gouverner. On peut noter que malgré son accord avec le PS, EELV n’a pas un poids correspondant à son score du premier tour.

Le mode de scrutin allemand : la proportionnelle avec seuil de 5 %

En Allemagne, le scrutin est proportionnel : les sièges sont répartis entre les listes ayant obtenu plus de 5 % des voix. L’Allemagne permet également aux électeurs, via des circonscriptions, d’élire directement des députés, mais le nombre de députés par parti ne peut pas dépasser la part qui leur revient du fait de la proportionnelle.

Les grands gagnants sont le FN et le Front de Gauche. Avec moins de 2 % des voix, le MoDem ne parvient pas à entrer dans l’Assemblée nationale. Le souci est qu’aucun parti n’aurait eu la majorité absolue et on voit mal une coalition possible, à moins que des partis qui n’ont pas l’habitude de gouverner ensemble s’accordent pour former un gouvernement. Ce fut le cas en Allemagne en 2005 lorsque ni la gauche, ni la droite n’ont eu la majorité absolue. Les sociaux-démocrates et les conservateurs avaient alors formé un gouvernement, comme si en France, le PS et l’UMP formaient ensemble une coalition.

Le scrutin majoritaire à deux tours avec une dose de proportionnelle de 100 sièges

François Hollande, dans son programme, a promis une dose de proportionnelle évaluée en général à 15 % (une centaine de sièges). Il est donc très probable que ce système soit le prochain à entrer en vigueur en France. Ceci signifierait que 100 députés sont élus sur un scrutin proportionnel comme décrit ci-dessus, et que les 477 autres soient désignés comme actuellement, c’est-à-dire au scrutin majoritaire à deux tours dans 477 circonscriptions. Pour les besoins de la simulation, nous avons effectué une simple règle de trois pour réduire les sièges attribués au scrutin majoritaire.

Avec un tel système, le FN obtiendrait 14 sièges de plus qu’aujourd’hui, le Front de Gauche, 5 de plus, EELV 3 de plus et le MoDem 2 de plus. Le PS perdrait 19 sièges et l’UMP 4. Le PS et ses alliés conserveraient la majorité absolue à eux-seuls, mais de peu. Bref, ce mode de scrutin n’aurait pas changé grand chose, mais permettrait quand-même de connaître le rapport de force réel dans le pays.

Le scrutin majoritaire à deux tours avec une dose de proportionnelle rectificative

Ce mode de scrutin est proposé dans le programme de François Bayrou et du MoDem. Il est similaire à celui proposé par François Hollande, à deux exceptions près : le nombre total de députés passe à 400, dont 100 désignés au scrutin proportionnel, et cette proportionnelle est rectificative, c’est-à-dire que les 100 sièges sont répartis de telle sorte que les partis sous-représentés rattrapent leur retard. Pour cette simulation, j’ai utilisé une simple règle de trois pour réduire les 577 sièges actuels en 300 sièges et utilisé les résultats du 1er tour pour la proportionnelle . On obtient le résultat suivant :

Avec un tel scrutin, le PS et ses alliés perdraient la majorité absolue et devraient composer avec le Front de Gauche et EELV pour former une majorité. La France ne serait pas ingouvernable pour autant. Le FN serait le grand gagnant de ce système, obtenant 59 des 100 sièges dévolus au rattrapage. Le Front de Gauche obtiendrait 23 sièges, EELV 12 sièges et le MoDem 6 sièges sur les 100. Le PS et ses alliés, ainsi que l’UMP et ses alliés n’obtiendraient aucun siège, étant déjà en surnombre avec le scrutin majoritaire.

Le scrutin proportionnel par département

Autre mode de scrutin déjà expérimenté en France : le scrutin proportionnel par département. La méthode est la même que pour le scrutin proportionnel intégral, mais se tient dans chaque département. Ce mode de scrutin fut utilisé lors des élections législatives de 1986, connues pour avoir fait entrer pour la première fois le FN à l’Assemblée nationale avec 35 élus.

 

Avec ce mode de scrutin, ni la gauche, ni la droite auraient eu une majorité. On retrouve une répartition quasi identique à un scrutin proportionnel intégral, avec une particularité : les gros partis bénéficient d’un bonus par rapport aux petits.

Le scrutin majoritaire à un tour

Finissons par le mode de scrutin considéré comme générant les plus fortes majorités, le scrutin majoritaire à un tour. Dans chacune des 577 circonscriptions se déroule la même élection que celle que nous avons eue au 1er tour, sauf que le candidat arrivé en tête est élu, quel que soit son score. Dans ce genre de scrutin, les différents partis se mettent d’accord avant le 1er tour afin de présenter une candidature commune. J’ai donc, dans la simulation, considéré, du fait de l’accord électoral entre EELV et le PS, que ces deux partis ne présentaient jamais de candidat concurrent. J’ai aussi gommé les dissidences, car leurs conséquences sont désastreuses pour les partis impliqués.

Avec un tel mode de scrutin, les conséquences sont violentes pour la droite et les petits partis et la gauche gouvernementale aurait obtenu une majorité écrasante. De plus, il est fort probable que le PS n’aurait pas cherché d’accord électoral avec EELV, qui auraient vu leur nombre de députés réduit à zéro. Il a en outre tendance à créer rapidement un paysage politique bipolaire avec deux énormes partis qui ont des sièges, et quelques petits partis privés de représentation.

D’autres méthodes existent, mais il est impossible de les simuler du fait du manque de données. Nous pouvons citer des scrutins de type alternatif, où l’électeur donne un ordre de préférence entre les candidats, ou par approbation, où l’électeur dit s’il approuve tel ou tel candidat, la possibilité lui étant donnée d’en approuver plusieurs. Il est reconnu que le mode de scrutin, pour élire une assemblée, qui respecte le mieux les souhaits des citoyens, est le scrutin proportionnel intégral couplé avec la méthode par approbation. Dans ce mode de scrutin, utilisé dans certains Länder allemands, l’électeur choisit une liste, et désigne, à l’intérieur de la liste choisie, quels candidats il veut voir élus. Les sièges sont ensuite répartis proportionnellement aux voix obtenus, et les députés sont choisis à l’intérieur de chaque liste en fonction du nombre d’approbations qu’ils ont obtenus. Un tel mode de scrutin empêche toute stratégie de la part des partis pour mettre en avant telle ou telle personnalité.

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7 Responses to “Et si nous avions eu un autre système électoral ?”

  1. 24 juin 2012

    Thédel Répondre

    A noter pour le dernier scrutin que le FG aurait bien eu des députés: en effet, les seuls qui siègent aujourd’hui à l’assemblée le doivent au retrait du 2ème candidat de gauche qui est arrivé après eux (par exemple le score de Marie-Georges Buffet au 2ème tour était de 100%, dû au retrait de la candidate PS qui est arrivée derrière elle http://www.bfmtv.com/legislatives-tous-les-resultats-sur-notre-actu28864.html )

  2. 24 juin 2012

    looping Répondre

    Moi j’aurais une suggestion. Et si nous faisons les législatives le même jour que la présidentielle ? Pour avoir plus de participation. Ou même, et si nous faisions les législatives a la proportionnelle, sur les résultats du premier tour de la présidentielle ?

    • Bonne remarque !

      Il est malheureusement impossible de simuler une situation telle qu’une élection legislative en même temps que la présidentielle avec les infos dont nous disposons. Et il y a fort à parier que les gens ne voteront pas comme pour la présidentielle, qui est un scrutin très personnifié.

  3. 24 juin 2012

    looping Répondre

    ouaip, tu as sans doute raison, mais par curiosité, si on appliqué la proportionnelle au résultat de la présidentielle, je pense qu’on aurait également une assemblée tres différente.

    En tout cas j’ai pensée que ce serait intéressant puisque le vote utile est encore plus present aux législatives qu’a la présidentielle…

    • En cas de proportionnelle, le vite utile est… inutile ! puisque les sièges sont répartis en fonction des votes.

  4. 24 juin 2012

    looping Répondre

    Il est amusant de noter qu’en cas de proportionnelle intégrale ou par département, l’UMP s’arrangera pour gouverner avec le FN, sans ca, avec un FN a 15-20% l’UMP ne pourra plus gouvernement.

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